Milan, 1943.
Milan, 1943.
Milan et l’élégante Tour Pirelli (Nervi et Ponti, 1957)
et sa couronne de bâtiments néo-rationalistes, photo 1965. Domus.
Editorial
Nous avons souhaité pour cette rentrée 2023-2024, vous présenter un bref historique de la conversion au goût moderne de l’Italie entre 1945 et 1960, en particulier à Milan.
En quelques années l’Italie, ruinée en 1945, s’est reconstruite. En 1960 elle était déjà devenue une des économies les plus dynamiques d’Europe et un des piliers de la nouvelle société de consommation, régime adopté dans tout le « monde libre » désormais.
La modernité repose sur ses rapports avec la tradition et l’innovation technologique. D’abord rejetée comme une mode étrangère, au moins jusqu’à l’humiliation parisienne de 1925, puis nécessaire à l’économie autarcique du régime fasciste dans des conditions qui la dénaturait, on vit contre tout attente l’Italie devenir au cours des années 50 le lieu de créations et d’innovation qui ont fait son succès et pour beaucoup, font d’elle, la patrie du design.
Il nous a semblé que ces quelques années « miraculeuses » méritaient tout particulièrement d’être évaluées et examinées dans un continuum chronologique qui permette à chacun d’avoir une vue d’ensemble. Nous exposons notre point de vue critique dans cette brève histoire des relations entre modernité , tradition et innovation dont les relations ont évoluées beaucoup depuis l’apparition des premiers modernes dans la péninsule. Il s’agit donc d’une histoire et non de l’histoire de cette transformation que vous pourrez trouver un peu partout traînant avec elle de plus ou moins nombreux préjugés, erreurs de jugement, stéréotypes et lieux communs comme un boulet.
Chronique d’un “miracle”: 1947-1960
Tous ceux qui connaissent un peu l’histoire récente de l’Italie ont entendu parler du miracle économique italien des années d’après-guerre et de son relèvement en un temps record. L’on commençait déjà à évoquer ce « miracle » dans les années 60. Et il est vrai, les résultats étaient là.
Mais pour l’architecture et le design il n’est pas certain que l’incroyable nombre de chefs d’œuvres qui virent le jour à jet continu et avec un débit en accélération permanente au cours de cette période s’explique uniquement par les raisons habituellement invoquées pour analyser les progrès spectaculaires de l’économie italienne après la défaite du fascisme, notamment l’effet de la manne américaine qui pour avoir été décisive ne bénéficia à l’architecture et au design italiens que par la préexistence d’un terrain déjà extrêmement bien préparé.
En effet au lendemain de la guerre, se mettent en place des conditions nouvelles qui vont tout au long des années 50 modifier considérablement les rapports entre modernité, tradition et innovation dans un contexte qui rendait insignifiantes les contorsions dont l’Italie s’était faite une spécialité en cherchant vainement une italianité introuvable dès l’apparition de l’Art Nouveau (Stile Liberty) autour de 1900. Ces nouvelles conditions vont faire évoluer la définition, la valeur et la perception de ces trois notions.
Le contexte dans lequel s’ouvre la VIIIème Triennale en 1947 (la Triennale de la Reconstruction) est dramatique : avec trois millions de maisons détruites, quinze millions de logements à construire et autant à meubler, la situation n’est favorable ni aux débats théoriques ni aux disputes esthétiques. L’héritage fonctionnaliste et la méthode moderniste s’imposent comme une évidence aux architectes dont la mission est de redonner un toit et un cadre de vie aux Italiens, un visage aux cités martyrisées par les bombardements autant que de rebâtir une société. La Reconstruction, présentée à la Triennale comme un problème social à résoudre, devrait donner l’occasion aux architectes rationalistes de valider à grande échelle les expériences et les réflexions mûries au cours des deux décennies précédentes: standardisation, production de série à coûts maîtrisés, simplicité, légèreté, mobilité, encombrements minimum, refus du superflu, tels sont les critères qui dans ce contexte sont censés présider à la production d’après-guerre.
Annonce publicitaire pour la Triennale de 1947. Domus.
L’avènement de la démocratie pluraliste après le référendum qui institue la République italienne en 1946, l’organisation d’élections libres en 1948 et le poids des partis de gauche dans la vie politique et intellectuelle de l’après-guerre contribuent à nourrir l’espoir d’une société nouvelle plus libre et plus juste, dans laquelle le nationalisme paroxystique et agressif du fascisme, l’embrigadement des masses et l’autoritarisme n’ont plus leur place. La modernité politique est désormais incarnée par la démocratie. L’individu est replacé, du moins en principe, au centre de la vie sociale et politique. La victoire de la Démocratie Chrétienne et la défaite des Communistes aux élections de 1948 rangent l’Italie au nombre des pays « libres » dont le destin est désormais étroitement lié à celui des Etats-Unis.
Sous perfusion américaine depuis 1945, les Italiens vouent aux Etats- Unis et à l’ « American Way of Life » un culte enthousiaste qui ne se démentira pas au cours des années 50 et durant les décennies suivantes. L’aide Marshall, qui arrive à point nommé pour la Reconstruction, accentue cette dépendance en même temps qu’elle donne à l’Italie les moyens de son relèvement: équipements industriels, matières premières, biens de consommation et capitaux affluent. L’Italie se met au travail avec énergie et pragmatisme, et reconstruit en quelques années une industrie qui la place au rang des économies les plus performantes en Europe. L’industrie du meuble n’est pas en reste et l’appareil productif se développe de manière spectaculaire et très spécifique au cours des années 50 : le réseau de petites entreprises et d’artisans, que le régime de Mussolini avait protégé et encouragé, est réactivé et dopé par la croissance. Extrêmement dynamiques, les industriels du meuble concentrés autour de Milan sous-traitent à une multitude de petits artisans extrêmement réactifs et flexibles des pans entiers de la production selon une méthode qui permet d’associer innovation technologique et travail artisanal, et qui fait encore aujourd’hui le succès du « Made in Italy ». L’enrichissement des ménages accroit et diversifie la demande dont profite à son tour l’industrie. C’est avec délice et une certaine frénésie que les Italiens se précipitent aussi naïvement que gaiement dans la société de consommation. Enfin, l’économie italienne est désormais une économie ouverte ce qui détermine de nouveaux enjeux et de nouvelles possibilités notamment celle de l’exportation.
Dans ce contexte de mutation profonde, la définition, la valeur et la perception des concepts de modernité, de tradition et d’innovation évoluent et de nouvelles relations se tissent entre ces notions. La modernité ne se résume plus au seul fonctionnalisme malgré la pertinence de celui-ci dans le cadre de la Reconstruction. Elle devient plurielle.
Dans le champs de l’architecture, le neo-rationalisme italien, tout en restant fidèle à la méthode fonctionnaliste, refuse tout dogmatisme (1) et s’engage dans la voie originale d’une architecture pragmatique, respectueuse du contexte historique et urbain, dans laquelle la personnalité de chaque architecte peut s’exprimer librement.
Parallèlement, le design des néo-rationalistes suit une évolution similaire. Malgré ses intentions généreuses et la haute valeur morale de ses propositions, la Triennale de 1947, surnommée par ses détracteurs « la Triennale communiste », n’a convaincu qu’une poignée d’intellectuels. Ingénieuses mais austères et ascétiques, les solutions trouvées par Albini, Gardella, le groupe BBPR, Magistretti, Caccia Dominioni et bien d’autres, n’avaient aux yeux du public de valeur que dans l’urgence de la Reconstruction. Revendiquant une esthétique du provisoire, les rationalistes ont été pris au mot. Si amère que soit la leçon, elle a le mérite d’être claire et, au cours des triennales suivantes (2), dans un contexte économique plus favorable à la créativité, sans rien abandonner de leur rigueur et sans rien céder sur la méthode et sur leur engagement, ils sauront, en associant innovation technologique et relecture de la tradition, donner au public un design d’une très grande qualité technique, esthétique et expressive.
Giuseppe Terragni, Casa del Fascio, Côme, 1932-1936. Archives de la Triennale de Milan.
Ignazio Gardella, prototype de la version pour Azucena du fauteuil réglable
présenté sur le stand de Borsalino à la Triennale de 1947, Milan vers 1948.
Galerie HP Le Studio.
Ignazio Gardella et Franco Albini, projet pour le quartier expérimental QT8,
Triennale de Milan, 1947.
Ignazio Gardella ou l’humanisme élégant et le minimalisme cultivé,
appartement personnel, Milan 1947.
Luigi Caccia Dominioni, lampadaire Sasso, ou la re-création du Monde, Milan, 1948.
Ignazio Gardella, Casa al parco,
appartements patriciens en copropriété intérieur et extérieur,
Milan, 1951. Domus.
Franco Albini et Ignazio Gardella, logements populaires “Mangiagalli”,
Milan 1950-1952. Domus.
BBPR, petit canapé à deux places inversables,
première version, 1947. Domus.
Franco Albini pour Poggi, table TL2 en noyer, 1950.
HP Le Studio.
Marco Zanuso Jr, fauteuil à système,
Milan, 1951. Domus.
De son côté, identifié au Mouvement Moderne et cheval de Troie de l’Amérique, le « Style International », en même temps qu’il se diffuse dans les années 50, voit se développer en son sein des courants contradictoires. D’une part, Mies Van der Rohe architecte du Seagram Building à New York (1957), Richard Neutra et Philip Johnson avec sa maison de verre, de l’autre Frank Lloyd Wright et les tenants d’une architecture organique qui à l’instar de Le Corbusier évoluent dans le sens d’une plasticité qui fait écho à la peinture et à la sculpture de leur temps (Moore, Calder, Arp) et influencent profondément le design partout dans le monde. Généreusement documentée dans Domus, la pluralité de ces tendances nouvelles contribue à modifier la perception de la modernité en Italie. La modernité des formes biomorphiques et sinueuses apparues au début des années 40 ne fait plus aucun doute pour personne et surtout pas pour ceux, architectes, artisans, industriels, qui en Italie recherchent l’homologation de la prestigieuse Amérique en vue de l’exportation. Beaucoup plus conforme à la conception artistique du métier d’architecte et de designer qui répugnait aux premiers rationalistes, renouant avec le vieux rêve italien d’intégration des arts, constitutive pour Ponti de l’italianité, cette évolution de la notion de modernité est acclamée par le public autant qu’elle est intégrée avec pragmatisme à la révision critique du fonctionnalisme opérée par les néo-rationalistes. Albini est invité à l’exposition « For Modern Living » organisée en 1949 par le Detroit Institute of Arts. A l’exposition « Italy at Work, her Renaissance in Design Today » organisée par le Brooklyn Museum à New York puis à Chicago en 1950 se retrouvent des personnalités aussi différentes qu’Albini, Gardella, De Carli, Caccia Dominioni, Mollino et bien sûr Gio Ponti, mais aussi les maisons Venini et Fontana Arte. La même année, le grand industriel new yorkais Josef Singer expose dans son showroom de Manhattan une sélection identique: c’est l’exposition « Modern by Singer ». Dès 1954, Singer distribue les créations italiennes à San Francisco, Los Angeles, Miami, Chicago, Boston et Cleveland. A cette occasion, il déclare : « La décoration aujourd’hui c’est l’intégration de la forme et de la structure, il faut donner à la structure une belle forme » (3). Parallèlement s’ouvre à New York la Galerie Altamira, le plus grand et plus important espace de présentation et de vente jamais consacré au design italien. Le succès est au rendez-vous et cette fois pour longtemps.
Franco Albini, pour Altamira, New-York, table Stadera, 1954.Domus.
La perception de la modernité en Italie en est profondément transformée et le fonctionnalisme n’en a plus le monopole, ou plutôt il évolue dans le sens d’une décrispation et d’une diversification propre à permettre l’expression de l’individualisme, de l’anti-dogmatisme et du « génie » italiens.
Ico Parisi, table pour Altamira, New-York, 1954. Domus.
Luigi Caccia Dominioni, table en laiton massif et noyer,
modèle créé en 1937 et édité par Azucena en 1948. Domus.
Carlo De Carli, chaise n° 683, plywood et métal, 1949.
Compasso d’oro à la Triennale de 1954. Domus.
Il serait injuste d’expliquer le succès du design italien aux Etats-Unis et l’assouplissement des règles du fonctionnalisme par la seule volonté de rayonnement commercial ou artistique. Le travail et les écrits d’Ernesto Nathan Rogers (groupe BBPR), directeur de la revue Casabella-Continuita et rationaliste de la première heure, prouvent son indépendance vis-à-vis de l’Amérique et son hostilité à l’égard de l’académisme du Style International. C’est à lui que l’on doit la théorisation de la réforme du fonctionnalisme et la réintégration au corpus de la modernité des expériences antérieures au Bauhaus, notamment celle de l’Art Nouveau (l’art « organique » des années 1900) à travers le mouvement Neo-Liberty. On doit aussi à son acharnement la polémique qui fait suite à la publication en 1959 de la « Casa alle Zattere » de Gardella à Venise et qui aboutira à la dissolution du Congrès International des Architectes Modernes la même année à Otterlo.
Le système de normes auquel se référait encore en 1947 la modernité est ainsi profondément modifié.
BBPR, Torre Velasca, Milan,1957 et Ignazio Gardella, Casa alle Zattere,
Venise, 1958 ou la réforme du rationalisme. Domus.
Cette évolution, associée au développement d’une société de consommation de masse, à la transformation des segmentations sociales qui l’accompagnent, à l’économie de marché et à la démocratie dans laquelle la liberté individuelle est primordiale, contribuent à permettre à chaque groupe social voire à chaque individu de définir sa propre modernité en fonction de ses goûts, de ses aspirations et des normes auxquelles il entend souscrire.
Ainsi, la maison Azucena, fondée en 1947 par Ignazio Gardella et Luigi Caccia Dominioni, propose-t-elle à la grande bourgeoisie éclairée et à l’aristocratie milanaises traumatisées par la barbarie fasciste et désireuses de rompre avec les codes d’un establishment discrédité par ses compromissions, un design rigoureux, élégant et distingué, dans la continuité du rationalisme, produit en petite série et d’une exceptionnelle qualité d’exécution. L’élite sociale milanaise jusque là majoritairement imperméable à la modernité peut faire son aggiornamento.
La bourgeoisie intellectuelle trouve dans les propositions de Franco Albini la rigueur qui lui convient et les « gens à la mode » font un triomphe à la fantaisie très maîtrisée de Gio Ponti pendant qu’Ico Parisi alimente tous les niveaux de la production : commandes spéciales, design de prestige pour Cassina, production de grande série pour MIM à Rome. Les Triennales qui se succèdent de 1951 à 1960 assurent le renouvellement des tendances et entérinent les évolutions. La modernité devient un produit de consommation et comme tel entre dans le système de la mode.
Dans ces conditions, l’innovation technologique n’est plus seulement la condition de la modernité, elle en devient le signe et l’argument de vente.
La maison Arflex, fondée en 1950 par une poignée d’ingénieurs de chez Pirelli, exploite le brevet industriel de la « gommapiuma », cette mousse de latex thermoformée qui permet de donner aux sièges les formes jusqu’alors les plus improbables. Premier du genre, le fauteuil Lady (1951) de Marco Zanuso Jr est un succès mondial qui sera produit à des millions d’exemplaires. En s’associant à un grand maître (Franco Albini) en 1952 pour son deuxième modèle (la Fiorenza), la maison Arflex donne à celui-ci la possibilité d’aller au bout de sa recherche d’expressivité et gagne ainsi en prestige et en reconnaissance. La mousse Pirelli est désormais la garniture moderne par excellence.
Dirigée par Osvaldo Borsani, la maison Tecno, créée en 1954, suit le même chemin avec le contreplaqué thermoformé (plywood). L’usage de cette technologie fera obtenir à Carlo de Carli le Compasso d’Oro pour sa chaise n°683 éditée par Cassina en 1954.
Mais la réussite la plus complète pour le design de masse est celle du tandem Olivetti/BBPR avec la série Arco (1960) qui combine tôle pliée, plastique, bois thermoformé et toile gommée dans une déclinaison virtuose de tables, consoles, bureaux et crédences au design spectaculaire, à la fois organique et hyper-technique, d’une élégance et d’une originalité exceptionnelle pour du mobilier de grande série.
Face à l’invasion d’un mobilier scandinave qui joue beaucoup sur la beauté des bois, l’innovation technologique en termes de valeur ajoutée est un avantage dont l’Italie ne se privera pas.
On aurait tort de penser que le renforcement du rôle de l’innovation technologique dans la construction d’une modernité plurielle «à l’italienne » évacue la tradition. Comme la modernité, le concept de tradition n’est plus univoque ni figé et il occupe une large place dans le design italien des années 50.
De fait, la tradition telle que l’évoquent les néo-rationalistes, et parmi eux Ernesto Nathan Rogers (BBPR), est indissociable de la modernité et les architectes comme les industriels en sont autant les dépositaires que les artisans. La notion de tradition conjugue sous le même vocable plusieurs réalités superposées: la tradition en acte, celle qu’ils forgent jour après jour, et qu’ils transmettent à travers leurs œuvres, leurs écrits et leurs engagements ; la tradition moderne, celle qui émane non seulement des idées et des pratiques des pionniers du mouvement moderne mais aussi celle qui remonte à la naissance de la modernité sur le continent c’est-à-dire de l’Art Nouveau ; et enfin la tradition critique, celle qui découle de la révision des idées modernistes par la mise en œuvre spécifique qu’en ont fait les rationalistes depuis la pénétration des idées du Bauhaus en Italie à la fin des années 20.
Un des meilleurs exemples de cette fusion entre innovation et tradition critique est sans doute le canapé de 1959 que BBPR portait depuis sa première ébauche à la fin des années 1940 et dont le projet arrive à maturité juste avant la triennale de 1960.
On sait à quel point l’intégration des traditions vernaculaires à la tradition moderne avait pu compter pour les pré-modernes avec la relecture des folklores régionaux et pour les rationalistes avec la revalorisation des savoir-faire artisanaux et des matériaux traditionnels tels que la paille de Chiavari. Cette tendance se confirme pendant tout l’après-guerre et les années 50 : Albini utilise le rotin pour son fauteuil Gala, médaille d’or à la IXème Triennale en 1951 et pour son fauteuil Margherita produit par Bonacina la même année. Mais c’est Gio Ponti qui opère, dans la lignée des modèles créés par E. Rambaldi dès 1933, la synthèse la plus convaincante des traditions modernes et vernaculaires avec sa Superleggera (1957) encore éditée par Cassina aujourd’hui et dont le succès ne s’est jamais démenti.
De même, les néo-rationalistes intègrent avec une ironie discrète et souvent audacieuse des éléments de la tradition industrielle anonyme à la tradition moderne. Caccia Dominioni édite en 1948 chez Azucena sa table Cavaletto, relecture de la table pliante de jardin, et Ignazio Gardella imagine entre 1954 et 1956, toujours pour Azucena, plusieurs modèles de luminaires extrêmement raffinés dont les diffuseurs en verre moulé sont repris des éclairages urbains milanais qu’il décline en lampadaires, lustres et appliques comme un hommage à Otto Wagner mais surtout au paysage urbain milanais.
Le modèle d’applique LP7 rend bien compte de la complexité des références dont joue Gardella dans son luminaire, allant même jusqu’à rendre hommage à la tradition japonaise dont la modernité ante litteram n’avait échappé à personne, en Italie comme ailleurs, dès la fin du XIXème siècle.
C’est toutefois Albini qui conjugue le plus brillamment modernité, innovation technologique et traditions avec le fauteuil Fiorenza (1952 et 1956) pour Arflex, relecture saisissante du patrimoine anonyme historique (la bergère à oreilles du XVIIIème siècle).
Conclusion
Lorsque s’ouvre en 1960 la XIIème Triennale de Milan, les nouveaux rapports établis entre modernité, innovation et tradition constituent désormais le socle sur lequel peut se construire, si ce n’est déjà fait, une italianité positive, décomplexée et ouverte. La méthode l’a emporté sur le style. Le « Made in Italy » n’en est pas un. C’est bien plutôt une manière de faire : « il modo italiano ».
Notes :
1. Dès la fin de la guerre, les membres italiens du CIAM (Congrès International des Architectes Modernes) prennent la mesure du danger que fait courir la domination culturelle américaine à l’esprit du Mouvement Moderne. Dépositaire autoproclamée de la tradition du Bauhaus dont les membres les plus éminents s’étaient exilés aux Etats-Unis dès les années 30 (New Bauhaus), l’Amérique leur apparaissait comme le champion d’une orthodoxie moderniste dont la rigidité n’avait d’égale que l’ambition hégémonique. Bien qu’il fût en réalité assez peu homogène, le « Style International » que les Américains voulaient identifier au Mouvement Moderne représentait aux yeux des néo-rationalistes un nouvel académisme figé dans des dogmes intangibles et dépassés, proposant une architecture standardisée, interchangeable, bref incompatible avec les exigences spécifiques liées à la reconstruction des centres historiques des villes italiennes
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2. 1951, 1954, 1957, 1960
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3. J. Singer, Comments on contemporary furniture, in «Design Quarterly », n.29, 1954.
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FRANCE
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