Carlo de Carli (1910-1999), architecte
Carlo De Carli est avec Gio Ponti, Carlo Mollino et Ico Parisi un des principaux inventeurs du “style italien” des années 50.
Il est un des plus fidèles élèves de Gio Ponti avec lequel il travailla après avoir obtenu son diplôme d’architecture (Politecnico de Milan, 1934). Comme lui, toujours à l’écoute de son temps, il a su donner une interprétation, alors exemplaire, de la modernité, à tel point que ses créations sont aujourd’hui absolument emblématiques, non seulement de son style mais aussi de celui de leur époque, décennies après décennies :
Les tables et les chaises créées entre 1947 et 1954, pour la firme Singer & Son et pour la Galerie Altamira à New-York, constituent, au même titre que celles de Mollino, les exemples les plus typiques du design organique et aérodynamique de l’après-guerre.
De la même façon ses travaux des années 50 et 60 pour les maisons Tecno et Cassina témoignent d’une active participation à l’effort d’intégration du progrès technologique au design de son temps.
De fait, la profonde originalité de De Carli tient surtout à sa surprenante capacité à polariser les énergies. Tour à tour éditeur (il fonde et dirige le journal “Il Mobile Italiano” en 1957), universitaire (Président, de 1965 à 1968, de la Faculté d’architecture de Milan, où il avait succédé à Gio Ponti en 1961), critique et théoricien (“Lo Spazio Primario”, 1970), commissaire et organisateur de concours et d’expositions internationales d’architecture et de design (XXème et XXIème Triennales de Milan, Selettiva de Cantù, 1955), lui même lauréat du prestigieux Compasso d’Oro en 1954, infatigable promoteur de toutes les formes de collaborations entre artisans, artistes, architectes et industriels de tous les pays (notamment avec les Etats-Unis), il apparaît comme un acteur majeur du développement de l’appareil productif milanais et du rayonnement du design italien.
Notons enfin qu’aucun niveau de la production n’a échappé au génie de De Carli : production industrielle ou semi industrielle de meubles en série (Cassina et Tecno), production artisanale mécanisée de petites séries (Singer and Son, Sormani), fabrication traditionnelle d’ébénisterie en quantité limitée (Editions Cantù pour Altamira à New-York) et quelques pièces de commande exclusives (maîtres ébénistes de la Brianza).
Au sein de ce corpus varié mais assez restreint, on remarquera la très célèbre chaise 683 (Cassina 1957), chef d’œuvre dans lequel l’équilibre entre performance technologique appliquée à l’industrie du meuble et expressivité de la forme, atteint un niveau de perfection exemplaire. Il ne s’agit plus ici seulement de “style aérodynamique” mais d’un véritable modèle sui generis de design industriel. C’est la maîtrise exceptionnelle de l’innovation technique associée à un sens aigu de la forme qui préside également à la création de la table «à disques» conçue pour Sormani en 1963. De Carli expérimente ici avec beaucoup d’élégance, et même une certaine ironie les possibilités techniques et poétiques du multipli d’acajou utilisé pour les disques qui en constituent le piétement en laissant deviner sous la finition noircie la superposition de chaque couche de bois et en en reprenant le motif concentrique selon une dynamique croissante/décroissante presque musicale en même temps qu’il produit l’illusion d’une forme télescopique. La base en doucine inversée dans laquelle se reflètent les disques de multipli est bordée par un cerclage de laiton bruni destiné à la protéger des chocs, à l’instar de celles des viennois de la Secession. Le plateau, surface réfléchissante et translucide à la fois laisse transparaître sous le vernis noir les veines violettes du précieux palissandre utilisé pour le placage et sa contrepartie. On ne peut qu’admirer la tension entre masse, plans et volume qui résulte de la fermeté de la forme associée à la dématérialisation des surfaces par les jeux de transparences et de réflexions d’une part et par la décomposition en gradins du dispositif de soutien du plateau d’autre part.
Il est intéressant de noter que cette table fut d’abord proposée en trois dimensions (125 cm, 150 cm et 175 cm) et dans trois finitions toutes foncées (palissandre verni noir, laque noire ou laque bordeaux sombre) afin de lui conserver toutes ses qualités expressives. Enfin les archives montrent que De Carli avait prévu d’accompagner éventuellement cette table par la Superleggera de Gio Ponti.
Carlo De Carli disparaît en 1999.