Ignazio Gardella (1905-1999),
ingénieur et architecte
Ignazio Gardella est un maître de l’architecture italienne. Malgré son implication enthousiaste et sincère dans le mouvement rationaliste des années 30, Gardella a su trouver une voie éloignée de tout dogmatisme vers la construction d’une modernité architecturale aussi singulière que l’oeuvre de designer qu’il développa dans les années d’après-guerre.
Ingénieur formé au Politecnico de Milan, puis architecte comme les trois générations de Gardella qui l’ont précédé, pur produit de la haute société éclairée milanaise, il s’est consacré au mobilier avec beaucoup d’exigence et sans bavardage, avec un grand sens de la sobriété et du raffinement, avec pragmatisme aussi et sans jamais oublier les leçons du fonctionnalisme. Elégance rare, ironie discrète, audace formelle un brin provocatrice et proportions tendues à la limite de l’acceptable, extrême sophistication dans les détails, maîtrise décomplexée de la technologie, ses qualités font de son travail un parfait équilibre entre modernité et tradition. Avec Carlo De Carli, Franco Albini, Carlo Scarpa et le groupe BBPR il a joué un rôle déterminant dans les débats sur l’architecture et toutes les grandes manifestations d’après-guerre. Tout comme le groupe BBPR, il sera un des principaux détracteurs du “Style International” et provoquera avec Ernesto Nathan Rogers la dissolution du CIAM à Otterlo en 1959.
Il a par exemple aménagé pour la IXème Triennale (1951), la première exposition rétrospective jamais réalisée sur le siège (« Le siège italien à travers les siècles ») où furent montré cinquante sept pièces allant du 1er siècle à 1840. Cet événement fut à l’origine chez les designers italiens de la réflexion sur les formes historiques et de son application aux créations modernes. Il fut également un des premiers italiens à être exposé à New York à la Galerie Altamira (1954) et en 1947 il fonda avec Luigi Caccia Dominioni la très exclusive et aristocratique maison Azucena qui constitue pour toute une génération la référence en matière de classicisme moderne : l’exemplarité de ses créations en a fait l’architecte italien le plus publié entre 1945 et 1960 et probablement aujourd’hui un des plus admirés.
Depuis ses réalisations pour la VIIIème Triennale (1947) très fortement marquées par le fonctionnalisme et la rigueur qu’imposaient les besoins nés de la Reconstruction, jusqu’à la réalisation pour Alitalia de la cabine du DC8 en 1960, en passant par la très élégante table « Ditirambo » (Médaille d’or à la XIème Triennale en 1957) et le fauteuil inclinable « Digamma » dessiné en 1956, édité en 1957 par Dino Gavina et présenté comme exemple de mobilier innovant à Milan en 1960 à l’exposition « Nuovi disegni del mobile italiano », il a considérablement marqué le design italien et celui-ci lui doit beaucoup de sa spécificité, notamment dans la relation qu’il a su entretenir avec l’histoire et l’environnement socioculturel préexistant. A preuve, la notice de présentation du fauteuil Digamma où celui-ci était montré sur la première page devant une grande toile abstraite de Jackson Pollock et sur la seconde dans un décor du début du XIXème.
Cette vocation de Gardella à associer dans ses créations recherche, innovation, modernité et tradition est sans doute à l’origine du succès immédiat qu’a connu son travail et de l’intérêt qu’il suscite à nouveau aujourd’hui après le long travail de redécouverte que la Galerie HP Le Studio a entrepris dès la fin des années 90 pour identifier les acteurs les plus importants d’une Tradition Moderne trop souvent eclipsée par l’idéologie de la rupture profondément ancrée dans l’historiographie dominante de la modernité.